Conciliateur dans plusieurs litiges et notamment relatifs à des infrastructures réalisées en PPP ou en concession, j’ai été amené à réfléchir un peu sur les conditions de succès à long terme de ces missions.
Rappelons d’abord le cadre général. La commission de conciliation est une instance, prévue par le contrat, que chacun des deux co-contractants peut saisir dans le cas d’un différend qu’ils ne sont pas parvenus à régler entre eux.
Souvent, la commission de conciliation est constituée de 3 membres. Les deux premiers, nommés chacun par l’une des parties, s’entendent pour nommer le 3ème membre. Cette étape n’est pas toujours aisée. Ainsi constituée, la commission va rendre un avis sur le différend, après une instruction précise encadrée dans un délai rapide, fixé par le contrat. Il est souvent prévu que son avis s’impose aux parties… du moins, jusqu’à l’éventuel jugement d’un tribunal, lorsque chacune conserve la possibilité de contester l’avis rendu par la commission. Mais en attendant, il doit s’appliquer.
Cela ressemble fort à un comité d’arbitrage. Cependant, même si, tel que je l’ai décrit ci-dessus, le mécanisme paraît tout-à-fait similaire à celui d’un arbitrage, le mot « conciliation » a un sens fort, qu’il convient d’entendre.
En effet, les différends, forcément financiers, créent une tension entre les parties qui peut atteindre des niveaux importants. A fortiori au début de la mise en service, car chacun lit la situation comme stratégique pour la suite du contrat.
Les positions peuvent tendre alors à se radicaliser, car elles deviennent le terrain d’une bataille sur les principes d’application du contrat, dans laquelle chacun peut voir le risque ou l’opportunité de fixer un cadre futur. Le litige financier n’est finalement que la partie émergée de l’iceberg.
Hélas, il s’ensuit une rigidification de la relation entre les parties, pouvant aller jusqu’à écorner la confiance réciproque… Hydres toujours renaissants de la relation public-privé ! C’est alors que l’on risque de perdre de vue deux choses qui sont importantes pour bien vivre ensemble au long terme, et atteindre les objectifs finaux : les raisons, ou encore la fonction des rédactions du contrat, et la prise en compte des circonstances particulières.
Les contrat de type « PPP », concession ou encore MGP, et la relation public-privé qui est nouée à travers lui, ont pour principale fonction de faire en sorte que le partenaire privé adopte des réponses opérationnelles adaptées aux objectifs publics convenus ; il n’est pas interdit d’espérer que cela fonctionne y compris dans des situations qui n’ont pas toujours été intégralement prévues par le contrat… ce qui suppose néanmoins que les deux parties trouvent un nouvel équilibre entre elles, alors qu’elles pourraient être tentées d’étirer le contrat vers des solutions qu’il n’avait en réalité pas envisagées.
Le travail de la commission de conciliation a ceci d’enthousiasmant qu’il dépasse largement la réponse technicienne à un problème donné. Celle-ci reste bien entendu essentielle, et l’avis doit être précis, complet, motivé. Mais il s’agit au fond et plus largement, de permettre aux parties (si elles le veulent bien) de se remettre dans un ordre de marche apaisé autour d’un sens que l’on donne au contrat, et que l’on partage.
Si les différents membres de la commission de conciliation partagent cette vision et s’abstiennent de défendre inutilement l’indéfendable, il y a toutes les chances que leur travail aura un effet durable sur la relation des parties et le bon fonctionnement du contrat.
Je ne rentrerai bien entendu pas dans le détail des cas précis. Mais j’en tire simplement la conclusion que la commission de conciliation est une recette qui comporte de la technique, du juridique, mais aussi la compréhension des enjeux de chacun, du bon sens et même, une certaine finesse psychologique.
Si elle comporte ses ingrédients, la recette a de fortes chances d’être très utile aux deux parties.